Bousculées par des marchés chahutés et face à des collaborateurs aux attentes de plus en plus fortes, les entreprises doivent trouver des moyens innovants et toujours plus efficaces pour rassembler leurs équipes (à chaque maille de l’organisation et de la hiérarchie) autour de leurs objectifs de développement…
Les recettes standards et miracles n’existent pas mais un dispositif se développe et mérite qu’on le regarde de plus près : la communauté de pratique, qui émerge comme un nouveau levier de mobilisation des équipes au service des objectifs stratégiques de l’entreprise.
Les communautés de pratiques : des dispositifs collaboratifs qui gagnent l’entreprise
La notion de « communauté » est une réalité aussi vieille que l’humanité. Fort étudiée par les sociologues du 19
ème siècle, elle est de nouveau sur le devant de la scène depuis quelques années…
Dans l’univers de l’entreprise, les « communautés de pratiques » trouvent leurs racines dans les corporations du Moyen-Âge ou, plus récemment, les systèmes de compagnonnage.
Aujourd’hui, elles se définissent généralement comme des groupes de professionnels qui, sur un domaine donné, vont échanger leurs connaissances et expériences, résoudre des problèmes, proposer des idées innovantes… En somme, des collectifs qui élaborent leur savoir et leur pratique professionnelle de manière réticulaire et par confrontation aux réalités du quotidien.
Les communautés de pratiques suscitent un engouement croissant dans les entreprises. Mais cela n’a pas toujours été le cas…
Durant une grande partie du 20
ème siècle, elles étaient des phénomènes relativement périphériques au monde de l’entreprise. Généralement limitées aux organisations relevant de certains secteurs (par exemple dans le champ médico-social, à travers les dispositifs d’analyse de la pratique et de supervision), les communautés de pratiques étaient parfois présentes dans d’autres secteurs par simple porosité (à travers notamment les associations professionnelles inter-entreprises, qui réunissent des experts de telle fonction ou tel secteur mais dont les échanges se trouvent limités par le devoir de confidentialité de tout salarié).
Dans les années 2000, avec le boom d’Internet et de l’économie de la connaissance, elles ont commencé à susciter l’intérêt des dirigeants. Initialement perçues comme des solutions de knowledge management (notamment via les réseaux sociaux en ligne), elles sont de plus en plus appréhendées comme un levier de mobilisation des équipes et de management, en réponse à la complexification d’organisations matricielles soumises à un double impératif d’agilité et de créativité.
Les communautés de pratiques ont désormais le vent en poupe et se diffusent rapidement dans les organisations.
Elles peuvent prendre des formes diverses et s’adressent généralement, de façon ponctuelle ou plus durable, à :
- Des manageurs, pour leur permettre de partager les orientations de l’entreprise et de travailler leur leadership
- Des professionnels d’une même filière (tant dans les fonctions dites supports que dans les fonctions cœur de métier), pour assurer l’équilibre entre la diffusion de la stratégie de la filière et son appropriation locale dans une logique de subsidiarité
- Des experts de disciplines variées autour d’un projet complexe (les communautés se trouvant, dès lors, à la frontière d’un fonctionnement en mode projet).
Les communautés de pratiques : de véritables accélérateurs de la création de valeur en entreprise… sous certaines conditions
Les communautés de pratiques peuvent être de véritables accélérateurs de la création de valeur en entreprise.
Quand leurs conditions de succès sont réunies, elles présentent l’intérêt de concilier les enjeux des dirigeants en termes de développement de l’entreprise et les attentes des équipiers en termes de méthodes de travail et de dynamique collective.
En effet, elles permettent aux directions générales de développer l’engagement des équipes sur des sujets prioritaires pour la compagnie, d’impulser des pratiques communes pour contrebalancer les effets néfastes de la dispersion géographique ou de l’intrication organisationnelle ou, encore, d’identifier facilement des idées innovantes… Et, ce, tout en offrant aux collaborateurs la possibilité de résoudre leurs problèmes opérationnels grâce à l’intelligence collective, de mieux comprendre le fonctionnement de l’organisation « réelle » au-delà des organigrammes, de fluidifier les échanges avec leurs collègues, de se sentir reconnus par leurs pairs et investis par leur management ou, encore, de travailler des défis qui dépassent l’amélioration continue au quotidien en agissant en force de proposition collective pour aider l’entreprise à mieux anticiper les évolutions de son marché.
Les bénéfices potentiels des communautés de pratiques sont nombreux et prennent tout leur sens dans des organisations qui font face à des impératifs forts en matière de développement d’affaires, d’excellence opérationnelle ou de mobilisation de leurs acteurs clés (c’est-à-dire de leurs équipes mais, aussi, de leurs partenaires ou clients).
Néanmoins, comme toujours quand il s’agit de travailler la dynamique humaine d’une entreprise et d’animer les Hommes qui l’incarnent, le succès d’une communauté de pratique ne va pas de soi…
Tout d’abord, il repose largement sur la capacité de l’équipe dirigeante à donner du sens au dispositif et à ne pas s’y engager par simple effet de mode ou par pure volonté d’affichage en matière d’« expérience salarié ». Comment ? En définissant, dès l’amont et avec quelques acteurs clés (qui seront les premiers ambassadeurs et animateurs de la Communauté), une vision claire et aspirationnelle, qui réponde aux enjeux de l’entreprise mais, aussi, aux besoins réels des populations auxquelles elle s’adresse :
- Une raison d’être et une ambition déclinée en objectifs tangibles et précis
- Des valeurs partagées
- Des règles d’engagement réciproque (tant entre les membres du réseau qu’entre la Communauté dans son ensemble et les dirigeants de l’entreprise)
Ensuite, il implique de bien doser «
on-line » et «
off-line », de ne pas tout miser sur les plateformes virtuelles et les applications digitales ! Les machines, aussi ludiques et ergonomiques soient-elles, ne font pas tout : les communautés qui marchent s’appuient sur un mix entre des échanges à distance et des travaux présentiels… Les rencontres physiques et les événements collectifs rituels rythmant le collectif sont essentiels pour cimenter la communauté et entretenir sa dynamique, notamment en phase de lancement. Et, si les échanges ne peuvent se faire que par l’intermédiaire d’outils, la clé réside dans un bon équilibre entre communication synchrone (en «
live » via les dispositifs digitaux permettant de relier des participants disséminés sur des milliers de kilomètres) et communication différée (lorsque chacun s’exprime « à son heure », seul derrière son écran).
Par ailleurs, un pilotage fin s’impose tout au long du dispositif pour trouver une dynamique subtile entre deux mouvements complémentaires : l’auto-organisation de la communauté (pour assurer l’«
empowerment » de ses membres et favoriser une émulation créatrice) et la guidance managériale (pour maintenir le cap de départ et veiller à la création de valeur pour l’entreprise).
Enfin, il importe de progresser en «
test and learn », d’accompagner les initiatives avec souplesse et de ne pas oublier qu’impulser une démarche collaborative fructueuse exige, de la part du management, un haut niveau d’engagement et de congruence…