Réduire l’ultra-transformation alimentaire pour répondre aux fractures alimentaires et améliorer la compétitivité

Réduire l’ultra-transformation n’est pas uniquement un objectif de santé publique : c’est aussi une décision stratégique à plusieurs niveaux : économique, sanitaire, réputationnel. Quels sont les enjeux, les freins, les leviers d’actions pour réduire l’ultra-transformation alimentaire en France ?
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Sommaire

Répondre aux fractures alimentaires et réduire les aliments ultra-transformés

La France connait depuis quelques années, un contexte inflationniste fort, marqué notamment sur le secteur alimentaire. 

Ce contexte a renforcé les fractures alimentaires entre français, comme le montre l’Institut Montaigne, dans son rapport de 2024 auquel iQo a participé.

Sur le plan social, la crise inflationniste a accentué une situation déjà préoccupante en matière d’accès à l’alimentation. Face à des dépenses contraintes grandissantes – logement, énergie, transports – l’alimentation est devenue la variable d’ajustement budgétaire des ménages les plus modestes. Un Français sur trois est aujourd’hui en situation d’insécurité alimentaire

L’une des facettes de la fracturation des modes de consommations réside dans le recours aux produits ultra-transformés : ces produits caractérisés par l’utilisation d’ingrédients peu utilisés en cuisine domestique (additifs, texturants, arômes artificiels). Les aliments ultra-transformés sont tous les aliments à la formulation industrielle élaborée, contenant au minimum 5 ingrédients (graisses, sucre, sel, etc.) dont au moins un additif non utilisé en cuisine domestique.

Un recours croissant aux aliments ultra-transformés

Ainsi, les données de l’ANSES (étude INCA 3) montrent que les aliments ultra-transformés représentent :

  • 30 à 35% des apports énergétiques des adultes français, particulièrement marqué chez les personnes issues de catégories socio-économiques les plus faibles.
  • Jusqu’à 45 % chez les adolescents.


Ce recours aux produits ultra-transformés est en outre plus fort dans les zones urbaines, au sein des ménages modestes ou pressés par des contraintes de temps. 
Dans les linéaires de la grande distribution, on estime que 60 à 70 % des références concernent aujourd’hui des produits ultra-transformés.

Largement répandue dans les chaînes de production agroalimentaire, cette transformation poussée des aliments constitue aujourd’hui un angle mort de la régulation, malgré des enjeux sanitaires, économiques et industriels de premier ordre.

Des politiques nutritionnelles ciblées mais incomplètes pour réduire l'ultra-transformation alimentaire

Les initiatives publiques en matière d’alimentation – NutriScore, Éco-Score, PNNS – ont principalement ciblé la composition nutritionnelle des produits (graisses, sucres, sel) ou leur impact environnemental. Plus récemment, l’Institut Montaigne a proposé une taxe sur les sucres ajoutés, dans une logique de dissuasion économique. Mais aucun de ces dispositifs n’intègre aujourd’hui la transformation industrielle des aliments comme critère d’évaluation autonome.

Les études scientifiques confirment les impacts négatifs des aliments ultra-transformés sur la santé

Pourtant, les études scientifiques convergent. Des recherches publiées par l’INSERM, INRAE ou Harvard School of Public Health démontrent un lien clair entre consommation régulière d’aliments ultra-transformés (AUT) et augmentation du risque de pathologies chroniques (obésité, maladies métaboliques, troubles cardiovasculaires). À ces effets sanitaires s’ajoutent des coûts indirects importants pour le système de santé publique.

Chaque année, de nouvelles études scientifiques jettent une lumière défavorable sur des substances présentes dans de nombreux produits ultra-transformés. Après le débat sur les sels nitrités (présents dans la charcuterie industrielle) ou les édulcorants artificiels, c’est aujourd’hui le soja (dans ses formes ultra-raffinées ou texturées) ou les agents de fonte dans les fromages qui font l’objet de controverses. Ces mises en cause répétées créent une pression d’image croissante pour les marques, qui se retrouvent exposées aux critiques des consommateurs et à une défiance médiatique.

Trois enjeux à fort impact de l'ultra-transformation alimentaire : économie, santé et réputation

Réduire l’ultra-transformation n’est pas uniquement un objectif de santé publique : c’est aussi une décision stratégique à plusieurs niveaux.

Ce contexte génère un effet domino : les distributeurs durcissent leurs cahiers des charges, les startups “clean label” gagnent des parts de marché, et certaines grandes marques doivent reformuler en urgence ou revoir leur communication. L’enjeu d’anticipation devient clé : les entreprises qui réduisent dès maintenant leur dépendance aux substances controversées et à l’ultra-transformation limitent leur risque réputationnel et se positionnent sur un marché plus durable.

Un potentiel économique et industriel sous-estimé

Inclure le degré de transformation dans les politiques alimentaires permettrait de dépasser une lecture strictement nutritionnelle ou environnementale de la qualité des produits. Il s’agirait ainsi de construire une approche plus systémique, intégrant la nature des procédés industriels comme variable explicative du risque sanitaire, de l’impact environnemental et du coût sociétal.

Cela pourrait aussi ouvrir la voie à une forme de relocalisation qualitative : les produits moins transformés sont généralement moins dépendants d’ingrédients importés ou synthétiques, plus adaptés aux circuits courts, et souvent plus faciles à aligner sur les attentes croissantes des consommateurs (naturalité, transparence, simplicité).

Des freins à lever : structure du marché et cadre réglementaire

Malgré ce potentiel, plusieurs obstacles freinent une transition vers des produits moins transformés.

Pour autant, continuer à s’appuyer massivement sur l’ultra-transformation revient à externaliser une partie du coût : sanitaire (à travers le système de soins), environnemental (importation d’ingrédients synthétiques ou exotiques) et réputationnel (crises liées aux additifs ou pratiques industrielles). La question n’est donc pas seulement technique, elle est aussi stratégique.

Quels leviers d’action pour les industriels pour réduire l'ultra-transformation alimentaire ?

Les industriels doivent considérer la réduction de l’ultra-transformation alimentaire comme un levier de transformation durable à intégrer dans leur stratégie long terme.

Conclusion

L’ultra-transformation des aliments constitue un enjeu stratégique encore peu adressé dans les politiques alimentaires françaises. En l’intégrant dans les outils de mesure, d’incitation et de régulation, il serait possible d’améliorer la qualité globale de l’offre alimentaire, de stimuler l’innovation responsable dans l’industrie agroalimentaire, et de mieux répondre aux attentes croissantes des consommateurs en matière de santé, de naturalité et de confiance.

Mais cette transition ne se fera pas sans soutien public. Aujourd’hui, les comportements alimentaires sont marqués par des contraintes fortes : moins de temps pour cuisiner, recherche de praticité, pression budgétaire. Dans ce contexte, les produits ultra-transformés conservent un avantage compétitif. Sans incitation forte à transformer le modèle industriel – aides à la R&D, fiscalité différenciée, information du consommateur – le changement restera marginal.

Agriculture & Agroalimentaire

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Thibaud VENAT

Associé iQo
Stratégie Agri / Agro / Retail