Culture organisationnelle : quels changements pour conserver les talents féminins jusqu’aux positions de leadership ?

La culture organisationnelle serait-elle responsable du fait que, dans beaucoup de secteurs, on observe les taux de parité se dégrader après le grade de manager ? Par exemple, en 2022, il y avait toujours seulement 15,6% de femmes, associées dans les cabinets de conseil en stratégie étudiés par le baromètre Consultor.
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Sommaire

L'image du leader dans l'entreprise : élément clé de la culture organisationnelle

On peut penser à une difficulté des femmes à s’identifier à l’image ancrée du leader. Ce modèle mental, tel qu’il existe dans beaucoup d’entreprises, est plus proches du prototype masculin que féminin. Cela rend l’identification plus difficile pour les femmes. Mais ça ne veut pas dire que c’est à elles de s’adapter. Pourquoi ne serait-ce pas à ce prototype de changer pour laisser plus de place à la mixité et, de manière plus générale, aux valeurs du care ?

Nous pensons que beaucoup de salariés, hommes compris, ont aujourd’hui des difficultés à se projeter dans cette image du leader, ancrée dans la culture organisationnelle de beaucoup d’entreprises. Nous croyons qu’il a vocation à évoluer, en phase avec la société et ses attentes. En effet, si 79% des salariés français déclarent ne pas aspirer à devenir manager (Enquête Audencia & BVA ; 2017), les femmes ne sont pas les seules à composer cette statistique.

A partir des résultats la littérature scientifique autour de ces sujets, nous proposons trois leviers d’actions que les entreprises peuvent adopter pour promouvoir la mixité dans les parcours de carrière.

Féminiser les valeurs dans son modèle de leadership

Si on peut contester la notion de « valeurs féminines », cette distinction existe dans le modèle de Hofstede, servant aux comparaisons de cultures nationales et pouvant aussi être utilisé pour comparer des cultures organisationnelles. D’autres renomment cet axe « masculinité-fémininité » en « compétition-coopération », mais, sur le site officiel d’Hofstede c’est désormais : « Motivation toward achievement et success ». Preuve qu’il y a bien un sujet de mixité dans la question des valeurs associées à la réussite professionnelle.

Même si les valeurs ne sont pas féminines ou masculines de manière inhérente, on constate des différences genrées dans l’éducation et la sociabilisation. Afin de réduire les inégalités, on pourrait donc s’inspirer, pour définir son modèle de leadership et sa culture organisationnelle, des valeurs traditionnellement considérées comme féminines.

Valeus masculines

Valeurs féminines

Cela ne signifie pas que ces valeurs doivent nécessairement être incarnées par des femmes. Nous croyons même qu’un leader masculin incarnant des valeurs féminines pourrait inspirer plus de femmes qu’un leader féminin incarnant un modèle qui serait resté inchangé.

Laisser plus de place à la singularité dans sa culture organisationnelle 

Une autre stratégie peut être de laisser sentir à chaque collaborateur qu’il a la possibilité de s’écarter du modèle en vigueur, et de parvenir au succès selon la conception qu’il en a. C’est là qu’entre en jeu une autre dimension culturelle : « tightness-looseness », qui décrit le degré d’impact des normes et nuance l’impact des autres dimensions culturelles. D’après l’étude de Toh et Leonardelli (2013)2, dans les cultures plus souples, il y a plus de femmes en position de leadership.

On peut aussi citer 4 autres dimensions culturelles du modèle de Hofstede que Stoermer, Bader et Froese (2016) mettent en lien avec une culture d’inclusion. Il s’agit de la distance hiérarchique faible, du faible évitement de l’incertitude, de l’orientation à long terme (plutôt que court-terme) et du collectivisme (plutôt que l’individualisme). Autant de pistes qui pourraient servir à nourrir un nouveau modèle de leadership et une nouvelle culture organisationnelle, plus en phase avec les enjeux de notre temps ; ces valeurs étant prouvées favorable à l’inclusion et, par son intermédiaire, aussi à l’innovation.

De nombreuses études ont montré qu’une culture favorable à l’inclusion savait valoriser la diversité des points de vue, des parcours et des profils. Mais il faudra que les représentants du leadership incarnent cette diversité par l’exemplarité. Il semble donc intéressant de chercher à avoir des leaders différents les uns des autres, et capables de faire valoir leurs points de vue individuels et leurs besoins personnels.

Créer dans les faits une culture organisationnelle plus inclusive

Si la culture organisationnelle peut être définie d’une manière théorique et formalisée dans un modèle, elle doit ensuite se décliner dans la pratique, et être traduite par des comportement concrets.

Plusieurs études ont été réalisées sur les facteurs susceptibles de freiner l’accès des femmes aux niveaux décisionnels, dont celle de Rutherford (2001), complétée par Lee-Gosselin et Ann (2011) ou encore Ponchut et Barth (2012). En recoupant les apports de ces trois, on peut identifier cinq axes sur lesquels travailler pour favoriser une culture d’entreprise compatible avec la projection des femmes vers des positions de leadership. Pour chacun, nous proposons des exemples d’éléments qui, lorsqu’ils sont identifiés dans une culture organisationnelle, constituent de potentiels leviers d’actions.

Exemples d'éléments à changer dans les aspects culturels jouant dans l'accès aux postes décisionnels

  • Traits masculins mieux valorisés et reconnus que les traits féminins
  • Femmes ressentant le besoin de s’imposer dans un monde d’hommes et de dépasser les attentes pour sécuriser leur place
  • Pratiques de gestion du temps et exigences du travail impliquant de longues journées de travail
  • Valorisation du surinvestissement et de la priorisation du travail sur la vie privée
  • Nécessité d’être joignable le soir et le week-end
  • Exigences de mobilité géographique
  • Style d’humour impliquant des blagues sur la sexualité ou sur le temps de travail
  • Peu de place laissée aux émotions dans les communications
  • Abondance des métaphores sportives, militaires ou sexuelles
  • Femmes devant gérer (diplomatiquement) l’attraction sexuelle qu’elles génèrent / Harcèlement sexuel
  • Présence massive des hommes aux échelons supérieurs et réseaux majoritairement masculins jouant un rôle dans les promotions
  • Relations informelles donnant aux femmes le sentiment de manquer de crédibilité
  • Négation de l’impact du genre sur les parcours professionnels
  • Manque d’engagement et de volonté des hauts dirigeants pour changer la représentation des femmes dans l’organisation
  • Manque d’intégration de l’enjeu d’équité aux autres enjeux stratégiques de l’organisation
  • Faible acceptabilité sociale des mesures mises en place pour accélérer la progression des femmes dans l’organisation
  • Configuration de l’espace et décoration donnant un sentiment de conformisme (attachement aux traditions et aux valeurs) vs. de modernité (évolution des pratiques et des mentalités)

Les facteurs influençant les parcours professionnels des femmes

Sans surprise, la centralité du travail et son équilibre avec la vie personnelle sont centraux dans les facteurs influençant les parcours professionnels des femmes. Si l’impact genré peut être rapporté à des questions de valeurs et d’éducation différenciée, il est aussi à rapporter à des réalités tangibles, dans un contexte où les femmes réalisent toujours la grande majorité du travail domestique (Insee, 2023).

En plus d’aller vers des valeurs davantage collectives et bienveillantes, les organisations, si elles veulent retenir et voir évoluer leurs talents féminins, ne pourront pas se passer d’actions permettant un meilleur équilibre des temps de vie et des priorités. Permettant de réintroduire de l’égalité sans pour autant défavoriser les hommes par rapport aux femmes, ces mesures permettront d’aller dans le sens d’une amélioration pour tous ; avec une culture organisationnelle favorable à la qualité de vie au travail.

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Aurélie Simon

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