Relation Client augmentée : l’IA vocale à l’épreuve de l’authenticité

Les technologies vocales (neutralisation d’accent, voice cloning, IA empathique…) visent à créer une relation client fluide et « neutre ».

Mais à force de lisser les aspérités, ne risque-t-on pas de vider la relation de son authenticité ? Et si, au lieu de rassurer, cette recherche de « perfection » technologique créait de la méfiance ?

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Sommaire

Tour d’horizon des nouvelles technologies de simulation relationnelle

À mesure que les interactions clients se digitalisent, de nouvelles technologies de simulation relationnelle font leur apparition, portées par les avancées rapides de l’intelligence artificielle vocale.

Ces solutions permettent d’améliorer la qualité des échanges en surmontant les barrières linguistiques, les décalages culturels & émotionnels et l’aspect parfois trop impersonnel des interactions automatisées.

Plusieurs solutions concrètes se distinguent déjà sur le marché :

Synthèse vocale avec suppression d’accent

Fonctionnalité principale :
Pour comprendre une perception (exemple : la satisfaction des utilisateurs d’un produit)

Exemples de solutions :
Sanas, Symbl.ai

Irritants ciblés :
Incompréhension liée à l’accent, biais culturels

Niveau de maturité :
Modéré

Cas d’usage : Everise

intégration de Sanas pour améliorer la communication dans les centres d’appels de santé

Traduction en temps réel avec tonalité adaptée

Fonctionnalité principale : Traduire la voix tout en conservant le ton émotionnel du message

Exemples de solutions :
DeepL Voice (beta), Zoom AI Companion

Irritants ciblés :
Barrière linguistique, décalage émotionnel, perte de nuance

Niveau de maturité :
Faible

Cas d’usage : Deutsche Bahn
utilisation de DeepL pour faciliter la communication multilingue au sein de l’entreprise

Production vocale expressivement enrichie par IA

Fonctionnalité principale :
Générer des messages textuels ou vocaux avec un ton émotionnel réaliste (empathie, enthousiasme, calme, etc.) 

Exemples de solutions :
GPT-4 + ElevenLabs, WellSaid Labs, Respeecher

Irritants ciblés :
Communication perçue comme froide, robotisée ou monocorde

Niveau de maturité :
Modéré

Cas d’usage : ElevenLabs mise en œuvre d’agents conversationnels vocaux réalistes

Modération et atténuation émotionnelle

Fonctionnalité principale :
Détecter et atténuer les émotions négatives dans les échanges clients (voix ou texte), et assister les agents
Exemples de solutions :
Uniphore, Observe.AI, Symbl.ai, Salesforce GPT
Irritants ciblés :
Agressivité, colère, surcharge émotionnelle pour les agents

Niveau de maturité :
Modéré

Cas d’usage : Softbank (Japon)
test d’ne IA qui modifie les voix de clients en colère pour les rendre plus calmes avant qu’elles ne soient entendues par les agents

Détection d’intention et de sentiment

Fonctionnalité principale :
Identifier les émotions, intentions ou signaux faibles dans les échanges clients

Exemples de solutions :
ASAPP, CallMiner, Zendesk AI

Irritants ciblés :
Difficile compréhension du besoin réel du client, mauvaise priorisation des demandes

Niveau de maturité :
Forte

Cas d’usage : British Airways
adoption de la SentiSum intégrée à Zendesk pour notamment analyser le sentiment des clients à travers divers canaux de communication

La frontière floue entre amélioration et manipulation

En modifiant la voix d’un interlocuteur, en adaptant en temps réel les émotions exprimées ou en traduisant un discours en le rendant plus chaleureux qu’il ne l’est à l’origine, ces outils redessinent les codes de l’interaction.

Pour certains, cette capacité à « lisser » la communication répond à une attente croissante de fluidité, de réassurance et de compréhension immédiate.

Mais elle peut aussi susciter des interrogations : l’authenticité perçue d’un échange reste-t-elle intacte lorsqu’une IA ajuste le ton, l’accent ou l’émotion de l’interlocuteur sans que l’usager en soit pleinement conscient ?

Des premiers cas concrets soulevant des interrogations voire des polémiques

Cette tension entre performance et sincérité devient particulièrement visible dans les premiers retours d’usage. La startup Sanas propose une technologie qui neutralise les accents des conseillers. Elle est utilisée par des centres d’appels en Inde ou aux Philippines pour mieux servir des clients nord-américains. Présentée comme un levier d’égalité des chances, elle a aussi suscité de vives critiques. Plusieurs chercheurs et universitaires y voient une forme de « blanchiment vocal » ou de « blanchiment numérique ». Selon eux, cette solution efface une part de l’identité culturelle des conseillers au profit d’un idéal d’uniformisation linguistique

De même, au Japon, SoftBank teste une IA qui modifie les voix de clients en colère pour les rendre plus calmes avant qu’elles ne soient entendues par les agents. Le dispositif vise à protéger la santé mentale des téléconseillers, mais soulève des questions : modérer l’agressivité, est-ce désescalader… ou censurer ?

Même dans des contextes internes exclusivement, ces technologies ne font pas toujours l’unanimité. L’assistant Zoom AI Companion, qui offre des traductions en direct et des résumés automatiques de réunions, a été vivement critiqué par des utilisateurs pour son manque de fiabilité, voire ses erreurs de traduction dans la mauvaise langue. Sur Reddit et sur des plateformes spécialisées, certains le qualifient déjà d’outil « inutile » ou « trompeur », créant une distance au lieu de la réduire.

Ces technologies mettent donc en tension deux dimensions fondamentales de la relation client : l’efficacité et la sincérité. Dans un contexte où les consommateurs valorisent à la fois la personnalisation et la transparence, le recours à des voix artificiellement neutres ou émotionnellement optimisées peut créer un effet de dissonance. D’un côté, la volonté d’améliorer l’expérience délivrée ; de l’autre, le risque existe de brouiller la nature réelle de l’interaction, voire de générer un sentiment d’artificialité, ou pire, de manipulation.

Conclusion : un défi éthique à relever

La question éthique devient dès lors centrale : faut-il informer le client qu’il échange avec une voix modifiée ou une émotion simulée ? Où se situe la limite entre assistance bienveillante et maquillage émotionnel ? Les entreprises devront, dans les années à venir, arbitrer entre performance relationnelle et exigence d’authenticité, au risque d’une perte de confiance si les intentions perçues ne sont pas alignées avec les attentes réelles des clients.

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Julien BAILLIEUL

Associé
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Marie-Charlotte TRIAU

Senior Manager
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